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Atelier d'écriture (2)
Quand même, ils sont fous, les gens. Vivre sous terre, comme ça, et dans l’bruit, en plus. La plupart font que passer, c’est sûr, d’une rame à l’autre, d’la maison au boulot, mais quand même. Ils prendraient l’bus, au moins y verraient l’soleil, ’fin au moins la lumière du jour, quoi.
Moi j’y passe mes journées, sous terre.
Enfin, faut d’tout pour faire un monde, qu’elle disait ma mère. Et quand les gens viennent me voir, c’est qu’ils en peuvent plus, qu’ils ont pas l’choix, et pourtant, ni bonjour ni au r’voir, j’suis comme pas là, pour eux. Si y savaient, si j’étais pas là, dans quel état ce s’rait ici, au moins ils m’regard’raient, ils m’remercieraient p’t’être, même. Des fois ils m’font un p’tit sourire, mais ils sont trop pressés, les gens, ils pensent plus à prendre le temps, même quand ils s’soulagent ici, faut qu’ils aillent vite. Des fois qu’ils loupent la rame, sûr’ment.
Tout ça pour s’entasser avec les autres, dans l’bruit et la chaleur étouffante.
Ils courent après l’temps, l’argent aussi sûr’ment, après l’bonheur, j’suis sûre.
M’est avis qu’ils vont trop vite.
Mon boulot est pas terrible, c’est sûr, mais j’suis bien contente d’avoir juste à r’monter l’escalier pour revoir le jour après l’boulot. Pour marcher le long des rues jusqu’à mon tout p’tit chez moi.
Et pour voir les sourires d’mes mômes en arrivant. C’est ça, l’bonheur.
Ce petit texte participe à l'atelier écriture proposé par le blog Bric à Book.
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Commentaires
Bien trouvé le métier de la dame, et j'aime le fait que tu ne le précises pas clairement mais que tu y fasses des allusions marrantes :) Et j'aime le côté résolument positif de ta narratrice !
Madame pipi rentre chez elle... elle garde son humour et connais le prix du petit bonheur de voir le soleil
j'aime cette vison de la Dame au cabas
@ Josette: Merci pour le gentil commentaire ! (et j'en profite pour dire que je suis allée lire votre/ton texte, et que je n'ai pas réussi à mettre de comm', en choisissant nom/url... )
@ Stephie : Oppressant, oui, c'est le mot ! Bien contente de ne pas être parisienne, de ce point de vue (et de vie).
@ Sabine et @ Jacou : Merci !
@ Caro: Les allusions... oui; à tel point que je n'étais plus sûre d'être compréhensible...
Ah si, je te rassure, tu es parfaitement compréhensible, et j'aime bien la façon dont tu as tourné ça :)
prendre le temps de vivre, on se demande bien pourquoi on oublie cela, merci à cette brave dame de nous le rappeler
10Pier-CyrilLundi 10 Mars 2014 à 21:04Belle narration, qui amène le personnage à dévoiler son métier (indispensable) tout en montrant sa vision des gens, du monde ; une bonne philosophe, cette dame. Le style est bien mené. Merci pour ces lignes !
@ Pier-cyril et @ Cécile MdL : merci !!
@ Leiloona: j'ai été occasionnellement "banlieusarde-de-Paris", et n'aimais décidément pas la cohue. Mais je comprends qu'on puisse aimer ça, surtout si on y a toujours vécu...
17TinouMercredi 12 Mars 2014 à 18:34j'ai pourtant été parisienne pendant 35 ans, je n'ai jamais aimé la cohue, et m'en suis échappée pour des horizons plus larges où l'on n'a plus le besoin de courir. Mais il est vrai que ton personnage transpire la solitude malgré la foule qui l'entoure, est-ce si paradoxal?....@ Tinou: La solitude au milieu de la foule, c'est souvent, oui. L'individualisme, l'indifférence, ...
bisous à toi
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Ah oui, sont fous les gens ! C'est vrai que c'est oppressant cette vie sous terre, sans lumière.